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 Saisons virtuelles : Enterprise continue avec de nouveaux épisodes en ligne 
 
SAISON 5 VIRTUELLE - Machinations
 
 
Ecrit par : Sue Christian
Traduit par : Vincent & Laurent
 
V.O. publiée le 24 février 2006
V.F. publiée le 22 avril 2007
 
    Machinations
 
Le bureau respirait le luxe minimaliste : un épais tapis, une décoration ancienne mais discrète, des meubles en bois véritable. Dehors, un lampadaire éclairait d'une lumière chaleureuse un bureau en bois de rose, faisant paraître le crépuscule plus sombre encore. A tel point que l'on ne voyait pratiquement plus le Golden Gate Bridge. Face à la fenêtre, deux hommes étaient confortablement installés dans des fauteuils recouverts de brocard, placés de part et d'autre de ce qui servait de table. Dans la faible lumière, ils étaient presque des ombres.
L'un des hommes se pencha vers la table pour y prendre un gobelet de cristal. Il jouait délicatement avec le verre, regardant le liquide doré courir sur les bords de cristal. Ce mouvement le ramena dans la lumière, faisant briller furtivement les trois barrettes qui ornaient les épaules de son uniforme.
"Harris devient gênant", dit l'autre homme. "Son obsession pour l'Enterprise et Reed est une menace pour la sécurité de l'organisation."
"Que voulez-vous que nous fassions? Je suppose que vous avez une idée à ce propos."
"Il agit de manière irréfléchie..."
"Et dangereuse." Le premier homme parlait en connaissance de cause. C'était son domaine. "Si l'Enterprise est perdu, la sécurité de la Terre sera compromise."
"Je propose que nous laissions Harris agir sans entraves... Donnons lui assez de corde pour se pendre. L'Enterprise peut aisément être mis de côté, à l'abri du danger."
"Et pour les officiers?"
"Leur perte sera regrettable, mais les dommages collatéraux sont inévitables. Nous l'avons toujours su. Sur le long terme, c'est un faible prix à payer."
 
*****
 
"Journal de bord du capitaine. Nous traversons actuellement une zone de l'espace assez banale, et je dois bien admettre que ce changement est le bienvenu, après notre récent accrochage avec les Romuliens. Le Commandant Tucker est en train d'effectuer une mise à niveau de la grille EPS, que l'on doit à l'attention du capitaine Sopek, commandant du Ni'Var. Le lieutenant Reed a mis en place une série de cours d'autodéfense pour les personnels n'appartenant pas à l'armurerie. Le Commandant T'Pol, quant à elle, étudie les informations obtenues sur deux planètes se trouvant sur notre parcours."
Le capitaine Jonathan Archer mit son enregistreur en pause quand l'intercom bipa, essayant de soulager son épaule meurtrie, souvenir de son cours d'autodéfense de la veille.
"Capitaine, je viens de recevoir un message classifié à votre attention."
La voix de l'enseigne Sato semblait désintéressée, mais la connaissant comme il la connaissait, Archer était persuadé qu'elle brûlait de curiosité... Comme lui, d'ailleurs. Les messages classifiés n'étaient pas son lot quotidien. Tout ça alors que tout était tranquille... Il agita la tête avec lassitude.
"Passez-le moi, Hoshi", dit-il, fermant son journal et se redressant sur sa chaise, en attendant de faire face à l'un des hauts membres de Starfleet.
"Capitaine, j'espère que je ne tombe pas au mauvais moment!"
"Harris!" Archer jeta un bref regard à l'écran, puis s'esclaffa. "Que diable voulez-vous?" Il ne fit aucun effort pour cacher le dégoût que lui inspirait l'homme qui le regardait avec un sourire étrange.
"Vraiment, Capitaine, vous n'avez aucune raison de me recevoir de cette manière..."
"Je n'ai rien à vous dire", l'interrompit Archer, tendant la main pour couper la communication.
"Je pense que vous serez intéressé par ceci", dit à la hâte Harris. "A moins que vous ne soyez prêt à jeter votre vaisseau dans un nouveau conflit."
Archer se détourna de l'écran, essayant de dissimuler au mieux son ennui. Bien qu'il le déteste cordialement, il savait qu'il devait écouter ce qu'Harris avait à dire. "Vous avez cinq minutes", dit-il brièvement.
"Merci, Capitaine. C'est toujours un plaisir de traiter avec vous."
"Je vous assure que tout le plaisir est pour vous. Quatre minutes et cinquante secondes."
Le sourire de circonstance d'Harris s'effaça et il se pencha en avant, comme pour donner de l'importance à ce qu'il allait dire. "j'ai besoin de l'aide d'un des membres de votre équipage."
"Non! Je ne veux plus que l'Enterprise soit impliqué dans vos jeux dangereux, Harris." Archer était résolu. Il ne voulait pas qu'Harris puisse douter un seul instant de son état d'esprit... Même si, honnêtement, il doutait que l'homme qui lui faisait face en ait quoi que ce soit à faire. "Et le lieutenant Reed n'a plus aucune obligation de travailler avec vous. Je pensais que c'était bien clair."
"Vous vous trompez. Ce n'est pas au lieutenant Reed que je veux demander une faveur. C'est au Commandant Tucker."
"Le Commandant Tucker?" répéta Archer, sincèrement surpris. "Qu'est-ce que vous pouvez bien avoir à lui demander?"
"Dois-je comprendre que vous êtes prêt à m'écouter?"
"Contentez-vous de dire ce que vous avez à dire." Archer détestait cela. Il savait qu'il allait inévitablement se faire manipuler, et finir par faire exactement ce qu'Harris voulait.
"Personne ne vous mettra au courant, Capitaine, mais Starfleet est en train de travailler au développement de la prochaine génération de moteurs de vaisseaux. Des moteurs qui seront capables de nous propulser à distorsion huit et même plus, plus vite que les Vulcains. En parlant de nos estimés alliés, ils ne sont pas non plus au courant de cela, et il est même dans l'intérêt de la Terre que leur ignorance à ce sujet reste totale.
"C'est vous qui le dites", intervint Archer sans chercher à cacher son scepticisme. "Il faudra que je vérifie cela auprès de Starfleet."
"Je pensais que vous aviez compris. Starfleet dément déjà l'existence de mon organisation. Et s'il y a une chose dont vous pouvez être certain, c'est qu'ils n'admettront jamais le vol des plans d'un projet aussi secret. Si secret que même nos alliés les plus fidèles n'en savent rien. Je vous demande de ne pas informer le Commandant T'Pol de ce que je suis sur le point de vous dire."
"Je n'ai aucune promesse à vous faire."
Harris sembla ennuyé, mais cela ne dura qu'une seconde. Il fit mine d'accepter les conditions d'Archer et commença à expliquer ce qu'il avait à dire.
 
*****
 
"Trip, prenez un siège." Archer indiqua à son ingénieur en chef, le Commandant Trip Tucker, d'entrer dans son bureau.
"Il y a un problème, Capitaine?"
"On peut dire ça", répondit Archer en levant une main pour empêcher toute question. "Attendons Malcolm. Je n'ai pas envie d'expliquer ça deux fois de suite." Il y eut au même moment un bourdonnement à la porte. "Entrez."
Le lieutenant Malcolm Reed, Officier tactique et chef de la sécurité de l'Enterprise, pénétra dans la pièce juste assez pour permettre à la porte de se refermer derrière lui. "Monsieur." Il attendit au garde à vous.
"Je viens juste de recevoir un appel d'une vieille connaissance", dit Archer sans préambule. "Harris."
Reed accusa le coup en bougeant légèrement avant d'échanger un regard rapide avec Tucker.
"Qu'est-ce que ce... nous veut encore?" dit Tucker avec son franc parlé habituel.
"Il a une petite 'faveur' à vous demander." Archer ne fit aucune tentative pour cacher le sarcasme de sa voix. "Plus précisément, il a une faveur à vous demander à vous, Trip."
"Moi?" s'exclama Tucker alors que Reed poussa un "non!" surpris.
"Oui, vous, Trip", répéta Archer.
"Commandant, vous n'avez pas à accepter. Capitaine, quoi que veuille Harris, le Commandant Tucker n'a pas à être impliqué." Reed était visiblement en colère.
"Je crois qu'il le peut, s'il le souhaite, Malcolm. Ecoutez ce que j'ai à dire, d'accord?" Archer sourit pour ôter toute tension de ses paroles. "Et asseyez-vous", ajouta-t-il en s'installant lui-même derrière son bureau.
Reed s'assit sans protester, tout en gardant les lèvres serrées, restant droit pour montrer sa désapprobation. Archer garda le silence quelques instants pour mettre en ordre ses pensées, puis raconta aux deux officiers l'histoire d'Harris.
"Il y a dix jours, l'un des agents d'Harris, un administrateur nommé Mostyn, a disparu d'Utopia Planetia en emportant avec lui une copie des plans d'un prototype d'un nouveau moteur révolutionnaire de distorsion."
"Révolutionnaire à quel point?" l'interrompit Tucker.
"Il n'est pas entré dans les détails, Trip, mais il s'agirait de distorsion huit." Tucker siffla doucement. "Même les Vulcains ne savent rien de ce projet." Archer hocha la tête face au regard sceptique de Reed. "Je sais. Je ne suis pas fier de penser que Starfleet puisse agir dans le dos des Vulcains après tout ce que nous avons traversé ensemble, mais les vieilles habitudes sont difficiles à abandonner, j'imagine. Mostyn essayerait de vendre les plans au plus offrant. S'il s'avère que les plans reviennent à ses anciens employeurs, tout ira bien, mais les intermédiaires qu'il emploie sont connus pour avoir travaillé pour un bon nombre de gens peu amicaux par le passé, y compris les Romuliens."
"Qu'est-ce que tout ceci a à voir avec le commandant?" demanda Reed. Bien qu'il eut l'air inquiet, Archer était sûr qu'il avait déjà compris la réponse.
"Et Harris voudrait que je fasse affaire avec ce type?" Tucker semblait embarrassé.
"Non, pas faire affaire. Il veut que vous rencontriez Mostyn pour vérifier les plans, pour nous assurer que ce qu'il vend est bien ce qu'il prétend. Une fois qu'il sera sûr de ce que l'homme a en sa possession, Harris reprendra la main."
"Cela n'a aucun sens", coupa Reed. "Si ce système de propulsion est si différent, comment le Commandant Tucker pourra-t-il dire si les plans sont exacts? Sans vous offenser", ajouta-t-il à Tucker.
Tucker protesta. "Je suis un ingénieur. Avec du temps, je saurais si les plans veulent dire quelque chose ou pas."
"Mais s'il suffit d'un ingénieur, alors pourquoi vous?" continua Reed.
"Je suis un excellent ingénieur", répondit Tucker avec un sourire qui fit rouler les yeux à Reed. "Et je suis aussi l'expert de Starfleet sur le terrain en matière de propulsion."
Reed tourna la tête vers Archer. "Je n'aime pas ça, Monsieur."
"Moi non plus, Malcolm. Nous savons tous à quel point Harris est vicieux. Mais s'il y a une chance pour qu'il dise la vérité, qu'un traître est disposé à vendre les secrets de la Terre, alors nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas l'envisager."
"Je dois admettre que si ce moteur est aussi révolutionnaire qu'il le dit, j'ai hâte de pouvoir jeter un oeil à ses plans", admit Tucker.
"Nous n'avons que la parole d'Harris que ce moteur existe", fit remarquer Reed.
"Pourquoi inventerait-il une chose pareille?"
Reed jeta un regard incrédule à Tucker, mais ignora sa question. Il s'adressa de nouveau à Archer. "Il y a plus dans cette affaire que ce qu'Harris a bien voulu vous en dire, Monsieur, j'en mettrais ma main à couper. Le fait que rien de ce qu'il annonce n'est vérifiable est mauvais signe. Il y a toujours eu des possibilités de confirmation auparavant, même partielles. Et Starfleet qui développe un moteur sans le dire aux Vulcains?" Il secoua la tête. "Cela n'a pas de sens."
"Non", convint Archer. "Même en connaissant notre histoire avec eux, je trouve cette partie de l'explication difficile à croire. Je peux essayer d'enquêter discrètement, mais je ne suis pas sûr d'obtenir grand chose. En attendant, et en supposant que vous êtes toujours partant, Trip, il faut que nous mettions un plan au point pour assurer vos arrières. Harris insiste pour que l'Enterprise reste éloigné du terrain d'action pendant l'exécution de son plan."
"Cela signifie que je n'aurai qu'une nacelle."
"Oui, mais il faudra que l'équipage de l'Enterprise se soit pas aussi loin que prévu", dit Reed. "Capitaine, je ne veux pas que le Commandant Tucker soit isolé dans cette mission."
"Je n'ai pas besoin d'un chaperon, Malcolm."
Reed eut l'air de vouloir contester ce point, mais finit par abandonner. "Le seul fait qu'Harris ait demandé que vous vous occupiez seul de cette mission est une raison suffisante pour envoyer quelqu'un avec vous."
Tucker fronça les sourcils. "Ah bon, et de quelle protection avez-vous bénéficié quand vous travailliez pour lui?"
"C'était différent", répondit Reed froidement.
"Je ne vois pas en quoi."
"Messieurs", les interrompit Archer brutalement. "Un peu de calme!"
Les deux officiers se turent et revinrent à une discussion plus constructive à l'injonction de leur capitaine.
"L'Enterprise devra de toute façon rester en arrière", dit Tucker. "Je verrai si je peux augmenter la portée et la résolution des scanners. Je m'y mets tout de suite, Captaine, si nous avons fini?"
"Bonne idée", accepta Archer en inclinant la tête.
Tucker se leva et sortit en route pour l'ingénierie, mais Reed resta dans l'encadrement de la porte.
"Malcolm?" demanda Archer.
"J'émets de sérieuses réserves sur cette mission, Capitaine. Je sais que vous pensez que je suis paranoïaque..." Il marqua une pause assez longue pour sourire face au démenti que montra Archer. "Mais quelque chose cloche dans tout cela. Je ne sais pas quoi, mais..."
"Je suis d'accord avec vous. Je n'ai pas votre expérience avec Harris, mais je suis sûr qu'il cache quelque chose."
"Je voudrais partir avec le Commandant Tucker."
"Oui, je crois que c'est une bonne idée", lui accorda Archer. "Bien que je ne peux m'empêcher de me demander si..."
"Monsieur?"
"Harris a insisté pour que seul Trip fasse cette mission, mais à la lumière de votre histoire... J'aurai aussi bien pu lui dire que je ne laisserai pas Trip pendre tous ces risques seul, et il sait que je vous choisirais pour l'accompagner dans ce cas."
"Vous croyez qu'il a fait tout ce tapage rien que pour que vous m'envoyiez en mission, Monsieur?" Reed sourit d'un air blasé. "Et vous pensiez que j'étais paranoïaque."
 
*****
 
Le jour suivant, avant de se rendre au mess pour déjeuner, Tucker descendit jusqu'à la baie de lancement pour voir Reed. L'Enseigne Mayweather y était occupé sur l'une des deux nacelles.
"Comment ça va, Travis?" dit Tucker. "Malcolm est ici?"
"Dans la nacelle." Mayweather pencha la tête vers la trappe ouverte. "Nous sommes sur le point de terminer."
"Super." Tucker lui asséna une tape amicale sur l'épaule en le dépassant et grimpa dans la nacelle. "Malcolm?"
"Ah, Commandant." Reed s'extirpa de dessous la console de pilotage, pressa quelques boutons sur l'écran et, apparemment satisfait des résultats, referma le panneau d'accès sur les circuits qu'il avait modifiés. "L'appareil est installé et étalonné. L'Enterprise devrait pouvoir nous détecter jusqu'à zéro point quatre vingt cinq années lumière... assez loin pour se tenir hors de portée des détecteurs de n'importe quel vaisseau que pourrait avoir Mostyn. Ce ne sera pas très résolu, mais cela devrait suffire à dire si nous sommes toujours en un seul morceau."
"Bon. Espérons que ça sera suffisant." Tucker regarda autour de lui l'espace intérieur réduit. "Ce n'est finalement probablement pas une si bonne idée, n'est-ce-pas?"
"C'est le moins qu'on puisse dire, en effet," murmura Reed sur un ton caustique.
"Non, je voulais dire nous deux, seuls et isolés ensemble dans une nacelle. Comme si nous n'avions pas retenu les leçons du passé."
Reed toussa. "Pourquoi croyez-vous que j'ai choisi la nacelle numéro deux?"
"Un point pour vous," concéda Tucker. "Mais vous continuez de penser que c'est un piège, n'est-ce-pas?"
Reed grimaça. "Je ne sais pas. Je ne fais pas confiance à Harris, mais je n'arrive pas à imaginer pourquoi il voudrait vous piéger ni ce que cela lui apporterait."
"Qu'est ce qui vous rend si sûr que c'est moi qu'il veut piéger?" Au regard étonné de Reed, il continua. "Il ne m'a rencontré qu'une seule fois, il ne me connaît même pas. Il semble que ce soit pour vous qu'il s'est donné tant de peine."
"C'est aussi ce qu'a suggéré le Capitaine, mais c'est vous qu'il a demandé. Il n'avait aucune raison de penser que j'irais avec vous."
"Est-ce que vous en êtes vraiment sûr? Il vous a déjà manoeuvré par le passé."
Reed croisa les bras, pensif, le regard dans le vague l'espace d'un instant.
"Soyons prudents," reprit Tucker. "Toute cette histoire sent mauvais. Ne passez pas votre temps à vous occuper de ma sécurité quand nous y serons au point d'en oublier vos arrières, d'accord?"
Reed hocha la tête. "C'est promis." Est-ce qu'Harris nous a recontacté pour donner les détails du rendez-vous?"
"C'est ce que j'étais venu vous annoncer. C'est pour demain. Le Capitaine veut nous voir tous les deux à seize heures pour un briefing."
 
****
 
Reed, arrivé premier dans la salle de réunion, avait juste eu le temps de vérifier l'heure et de pester contre le retard de ses supérieurs quand le Capitaine Archer arriva, accompagné du Commandant T'Pol. L'instant d'après, Tucker faisait irruption dans la pièce.
"Excusez-moi, j'avais un problème à régler avec l'injecteur babord."
"Aucun problème, Trip," dit Archer. "Vous n'étiez pas le seul à être en retard."
Reed sentit la colère lui monter à la tête mais n'en souffla mot.
"Alors", dit Tucker, jetant un oeil au Premier officier Vulcain avant de regarder Archer d'un air interrogateur.
"J'ai informé T'Pol des détails de la mission", admit Archer. "De tous les détails."
Tucker hocha la tête, acceptant sans réserve la décision de son capitaine d'aller à l'encontre des instructions d'Harris.
"Alors", répéta-t-il. "Sommes-nous prêts à y aller?"
Archer hocha la tête. "Harris vient de nous transmettre les coordonnées, mais sans aucun autre détail. Il dit qu'il ne connaît pas quel type de navire Mostyn a, mais que l'homme a accepté de venir seul au rendez-vous."
"Est-ce certain, Monsieur?" demanda Reed. "Quelle garantie avons-nous qu'il respectera sa part du marché?"
"La même que celle qu'il a nous concernant."
"En d'autres termes, aucune", dit Tucker pour enfoncer le clou.
"Dans toute situation de ce type, il faut un minimum de confiance", dit T'Pol. "Et bien qu'il y ait des dangers inhérents à vendre des documents volés à leur propriétaire légitime, il est logique d'assumer que dans ce cas-ci, ils sont surpassés par le danger potentiel d'un marché avec les Romuliens."
"Il nous fera confiance parce que nous sommes son meilleur parti?" Reed ne paraissait pas très convaincu. "Si c'était moi, je garderais un plan de secours."
"Et bien puisque nous n'allons pas l'attaquer ou essayer de lui voler les plans, il ne nous reste pas beaucoup d'autre solution", fit Tucker en ignorant le froncement de sourcils de Reed. "Quand partons-nous?"
"Vous êtes attendus aux coordonnées à quinze heures demain", répondit Archer. "A sept heures pile, l'Enterprise vous lâchera à trois quarts d'année-lumière de votre point de rendez-vous et restera en position à cette distance. Cela devrait vous donner largement assez de temps pour y être à l'heure. Nous maintiendrons le silence radio et limiterons les scanners au minimum. De cette manière, avec un minimum de chance, Mostyn continuera d'ignorer votre plan de secours."
"J'ai vérifié les coordonnées dans la base de données", annonça T'Pol. "Vous avez rendez-vous à la périphérie d'un petit système stellaire, dans un secteur relativement vide de l'espace, loin des routes locales de transport. Ni l'une ni l'autre des deux planètes de ce système n'est habitable, et les chances que nous rencontrions un autre vaisseau que celui de Mostyn ou l'Enterprise dans le secteur sont extrêmement faibles. Mais..."
"Comment se fait-il qu'il y ait toujours un 'mais'?" se plaignit Tucker.
T'Pol leva imperceptiblement un sourcil avant de poursuivre. "Ce système stellaire émet régulièrement des sursauts intenses de rayonnements gamma et électromagnétique. La protection de coque des nacelles devrait largement assurer votre protection, mais le rayonnement causera des interférences dans les senseurs."
"Excellent!" murmura ironiquement Reed.
"Il y a un risque réel pour qu'au moment de l'intensité maximale, les interférences électromagnétiques soient suffisamment fortes pour cacher la nacelle des senseurs de l'Enterprise", confirma Archer. "Si cela se produit, nous nous rapprocherons. Et le docteur Phlox va vous donner des doses antirayonnement, juste pour s'assurer contre tout risque. Il vous attend à l'infirmerie."
Tucker hocha la tête et sortit en compagnie de Reed, l'air autant enthousiastes l'un que l'autre à cette perspective de leur mission. Archer était sur le point d'accompagner ses officiers quand T'Pol l'arrêta.
"Capitaine, puis-je?"
Archer se retourna et attendit qu'elle poursuive.
"Je n'ai pas eu l'occasion de vous parler depuis que j'ai reçu votre rapport sur cette mission, et l'information concernant le moteur expérimental de distorsion. Je veux vous assurer que je considère cette information comme confidentielle, comme d'ailleurs tout ce que je suis à même d'apprendre au cours de mes fonctions sur l'Enterprise. Je suis un membre de Starfleet, et c'est là que je place ma fidélité."
"Je sais que je peux compter sur vous, Commandant", répondit Archer en faisant exprès d'utiliser son rang. "J'ai une foi complète en votre discrétion. En outre", ajouta-t-il en résistant à l'envie de lui tapoter sur l'épaule comme il l'aurait fait avec Tucker, "le Lieutenant Reed est loin d'être convaincu que le moteur existe."
"Et vous êtes d'accord avec lui?" Archer se contentant seulement de hausser les épaules, T'Pol insista. "Dans ce cas, pourquoi permettez-vous à cette mission de continuer?"
"Au cas où Monsieur Reed aurait tort."
"Vous avez probablement raison de considérer Harris comme peu digne de confiance", concéda-t-elle. "Mais il s'est avéré être d'une grande utilité par le passé."
"Oui. Espérons que cette fois encore, il joue le rôle du gentil."
"Effectivement", répondit T'Pol en comprenant la référence cinématographique archaïque.
 
****
 
Tucker fut rassuré par toute l'activité qu'il découvrit en entrant dans la baie de lancement juste avant sept heures le matin suivant. Mayweather effectuait les derniers contrôles de vol sur la nacelle numéro deux. Reed était plongé dans une conversation avec Rostov, vraisemblablement sur des changements de dernière minute qu'il avait demandés concernant la protection de coque de la nacelle. Le chef de l'arsenal espérait qu'elle assurerait une meilleure protection des scanners et des organes vitaux des appareils contre les perturbations électromagnétiques. Archer se tenait près de la porte en compagnie du docteur Phlox.
Quand Tucker entra, Phlox lui coupa la route en brandissant une seringue hypodermique. "Commandant." Le Dénobulien affichait son célèbre sourire anormalement large. "Vos dernières vitamines. Je ne voudrais pas que vous succombiez à une surdose de radiation, n'est-ce-pas?" Tucker se contenta de lui répondre par une grimace.
"J'espère que non, Doc", répondit Tucker en inclinant la tête d'un côté pour laisser l'accès à son cou. "Ces injections me rendent toujours un peu malade."
"Les nausées disparaîtront très vite, c'est d'ailleurs ce que j'ai dit au lieutenant Reed."
"Bien. La dernière chose que je souhaite est d'être coincé dans une nacelle avec un Malcolm malade à vomir." Reed souffrait du mal des transports et était connu pour avoir un estomac qui ne supportait pas les turbulences.
"Espérons que le vol sera doux", dit Archer en partageant la même grimace que Tucker.
Le sujet de leur crainte s'approchait justement d'eux.
"Les contrôles de vol sont terminés, Monsieur", dit Reed. "Nous sommes prêts pour le lancement."
Archer inclina la tête en guise d'accord. "Ne prenez aucun risque inutile", les avertit-il tous les deux. "Nous serons là à l'heure. Si vous rencontrez un problème sérieux..."
Il fut interrompu par la voix de T'Pol dans l'intercom. "Passerelle au Capitaine Archer."
Il continua cependant sa phrase tout en marchant jusqu'au panneau mural le plus proche, "Au moindre problème sérieux, oubliez les consignes de silence radio et appelez-nous à l'aide. En distorsion cinq, nous pouvons être là en moins d'une heure. Archer j'écoute, qu'y a-t-il, T'Pol."
"Capitaine, l'enseigne Sato a reçu un appel de détresse du cargo Terrien Tasman. Ils sont prisonniers de l'atmosphère d'une géante gazeuse et demandent de l'aide d'urgence."
Archer soupira. Il fallait qu'une urgence arrive au pire moment possible. "Quelle est leur position?"
"Dans le système de Pa'lara, à onze virgule quatre-vingt neuf années-lumière de notre position."
"C'est presque à trois heures en distorsion cinq", précisa Tucker.
"Y a t-il un vaisseau plus proche d'eux?" demanda Archer.
"Nous sommes le seul navire à avoir reçu leur signal. Ils estiment avoir approximativement quatre heures avant que leur navire ne perde son intégrité structurale", continua T'Pol, qui prévoyait la question suivante du capitaine.
Archer pencha la tête et se frotta le visage d'une main.
"Vous devez y aller, Monsieur", dit Reed d'une voix tranquille mais ferme. "Le Commandant Tucker et moi nous débrouillerons."
"Vous avez raison", admit Archer. "T'Pol, programmez une trajectoire et tenez-vous prêts. Travis, rejoignez la passerelle immédiatement." Tandis que Mayweather se précipitait hors de la baie, le capitaine se tourna vers son ingénieur en chef et son chef de l'arsenal. "Je déteste vous laisser tous les deux comme ça."
"Nous ne pouvons pas annuler la mission, et vous ne pouvez pas ignorer un appel de détresse", dit Tucker. "Comme Malcolm l'a dit, nous nous débrouillerons." Il se retourna vers Reed. "Nous ferions mieux de partir."
Alors que Tucker se dirigeait vers la nacelle, Archer arrêta Reed en lui posant une main sur le bras. "Cet appel arrive étrangement... bien chronométré par rapport à notre position et notre mission, vous ne trouvez pas?"
Reed soupira. "Cela m'est venu à l'esprit, également, Monsieur, mais je ne vois pas ce que nous pouvons faire d'autre. Vous ne pouvez pas ne pas répondre."
"Je sais, mais faites extrêmement attention, Malcolm."
"Vous aussi, Monsieur."
Archer regarda Reed pénétrer dans la nacelle et refermer la trappe avant de se retourner pour rejoindre la passerelle, en espérant que l'appel de détresse n'était qu'une coïncidence mal venue et non un nouvel exemple des machinations d'Harris.
 
******
 
"Combien de temps avant qu'on arrive?" demanda une nouvelle fois Tucker.
"Papa, on arrive bientôt? on arrive bientôt?" le railla Reed en guise de réponse.
"Vous ne ressemblez pas franchement à mon père."
Reed posa les yeux sur son supérieur étendu à l'arrière de la nacelle. Blond,américain dans le style... Tout sauf anglais. Il sourit. "Non, ce serait difficile."
"Et la réponse est...?" insista Tucker en lui souriant à son tour.
"Oh." Reed se retourna et jeta un oeil sur son moniteur. "Cinquante-cinq minutes. Nous devrions être à portée de scan du rendez-vous dans quarante minutes."
"Alors nous avons le temps de manger quelque chose, en attendant. Qu'est-ce qui vous tenterait?"
Tucker s'occupa de chercher les portions emballées, installant son propre repas sur la banquette à l'arrière de l'appareil. Reed resta quant à lui dans le siège du pilote, gardant un oeil ouvert sur les écrans de navigation. Tout en mangeant, ils parlèrent de leur mission et d'Harris... Ou plutôt, Tucker parla. Reed se contentait d'écouter et de répondre par des "hum" polis placés aux bons moments. Puis Tucker redevint silencieux. Reed savait ce qu'allait lui redemander Tucker, la question revenait sous diverses formes plus ou moins subtiles depuis le début de leur mission.
"Alors", fit Tucker en posant sa fourchette avant de pousser son plateau vide sur le côté. "Vous ne m'avez jamais raconté comment vous avez été impliqué avec Harris et son organisation."
"Non."
Le silence retomba instantanément. Ce n'était pas la réaction que Reed avait prévu. Il suivit le regard de Tucker jusqu'à la baie avant de la nacelle et scruta pour tenter de voir ce qui avait dû inquiéter le Commandant à l'extérieur. Il regarda à nouveau Tucker et vit le sourire moqueur de ce dernier.
Tucker rit. "Allez, Malcolm, vous savez bien que vous finirez par me raconter la vérité. Alors autant cracher le morceau maintenant.."
Reed soupira. "Je m'ennuyais. Il m'a offert une option passionnante."
"Ouais, c'est ce que le Capitaine a dit que vous aviez dit, mais je ne marche pas. Vous ne m'avez jamais donné l'impression d'un coureur d'aventure."
Reed leva les yeux au ciel. Tout cela s'était produit il y avait tellement longtemps. C'était une partie de sa vie qu'il pensait loin derrière lui. Il n'y avait plus pensé pendant des années, jusqu'à ce qu'Harris le contacte après l'enlèvement de Phlox. Depuis lors, il avait été forcé de reprendre du service et de travailler avec ou pour Harris un certain nombre de fois, malgré son dégoût. Plus d'une fois, il s'était posé la même question que Tucker lui posait. Comment diable s'était-il donc retrouvé impliqué avec cet homme et son organisation? La réponse, qui lui avait semblé tellement claire à l'époque, lui paraissait maintenant stupide, même à ses propres oreilles, et ce n'était pas quelque chose dont il voulait discuter. Mais il reconnaissait aussi la véracité du commentaire de Tucker, il finirait par craquer devant l'insistance de cet ami qui de son côté n'abandonnerait pas ce harcèlement.
"Vous n'avez visiblement jamais eu à subir six mois en poste sur la station Jupiter", répondit-il sèchement. "Jour après jour, la routine ennuyeuse et mortelle, à peine animée par quelques bagarres de bar." Il fit tourner sa chaise pour faire face à Tucker. "Il n'y a vraiment pas grand-chose à dire sur le sujet. J'étais un jeune enseigne à un poste ennuyeux, et les opérations secrètes avaient l'air passionnantes." Reed balaya l'air d'un geste négligent, espérant, sans vraiment y croire lui-même, que Tucker se laisserait convaincre.
Tucker roula des yeux. "Vous vous êtes enrôlé comme espion parce que vous vous ennuyiez?"
"Je n'étais pas un espion, il s'agissait des opérations secrètes. Ce n'est pas la même chose", protesta Reed, piqué par l'expression sceptique de Tucker. Il ferma les yeux brièvement puis, se décidant finalement, commença à raconter toute son histoire.
"Quand mes parents se sont rencontrés, ma mère était officier des renseignements dans la marine royale." Du coin de l'oeil, il vit Tucker se voûter en avant, probablement ennuyé de cet apparent changement de sujet. Pour ne pas lui donner le temps de l'interrompre, Reed se pressa de continuer. "Elle a repris son travail après ma naissance, pour n'arrêter définitivement qu'une fois Maddy née." Il fit une pause, peu sûr de la façon de présenter la suite.
"Alors c'est ça, vous avez essayé de suivre l'exemple de votre mère?"
"Non, non, pas vraiment. Ecoutez, je ne sais pas pourquoi je vous raconte cela. La station Jupiter était d'un ennui mortel, j'étais encore en formation commune, à apprendre les bases de la sécurité avant de pouvoir me spécialiser. Je n'étais pas heureux où j'étais, et ce n'était pas ce que j'avais envie de faire. J'espérais faire de la recherche et développement en armement. Le côté maintien de l'ordre de la sécurité ne m'intéressait pas du tout. J'en avais plus que marre de tout ceci. Harris est arrivé avec ses histoires de section secrète et m'a demandé de faire un petit travail pour lui. Que voulez-vous que je vous dise? Il était passionnant, et j'ai découvert que j'avais des aptitudes pour cela."
"Hmm." Tucker réfléchit un moment avant d'attaquer à nouveau. "Qu'est-ce que le fait que votre mère soit un officier des renseignements a à voir avec tout ceci?"
"Cela n'a pas de rapport... Enfin, pas directement. Quand j'étais petit, mon père me racontait des histoires sur mes ancêtres de la marine, ce qu'ils avaient fait, les navires sur lesquels ils servaient. Et surtout, il me parlait du travail de ma mère, de ses missions secrètes, comme il disait. Je suppose que cela a dû me marquer. Il était fier d'elle." Il soupira et releva la tête juste à temps pour saisir l'expression de choc sur le visage de Tucker. Dans un dernier effort pour empêcher ce visible accès de compassion, il s'empressa de conclure. "De toute façon, c'est Harris que je dois remercier pour mon poste sur l'Enterprise. Les "petits travaux" que j'ai fait pour lui m'ont fait découvrir la sécurité sous un nouveau jour beaucoup plus passionnant. J'ai fini par comprendre que j'appréciais ce que je faisais, après tout, et une fois de retour sur Terre, j'ai demandé mon transfert de la Recherche et Développement vers le service actif."
"C'est à ce moment que vous avez laissé tomber Harris?"
"Non, j'étais toujours dans son carnet d'adresses, si on peut dire, mais il s'est passé longtemps avant qu'il me demande un nouveau service. Mais même alors, ça n'a été que de simples petits services, rien qui puisse interférer avec mes fonctions, la plupart du temps des personnes à suivre." Il sourit. "A ce moment-là, Harris était toujours Commandant dans Starfleet et je pensais que les ordres venaient d'une section réelle de la sécurité dans Starfleet. Avant que je réalise la vérité, à quel point l'organisation était sale, j'étais dedans jusqu'au cou."
"Qu'est-ce que vous voulez dire par sale? Qu'est-ce qu'il..."
Avant que Tucker ne puisse finir sa phrase, la nacelle vacilla violemment et le bruit d'une explosion résonna dans l'espace réduit.
 
****
 
L'atmosphère de la passerelle de l'Enterprise était tendue, et pas simplement parce qu'ils étaient en mission de sauvetage. Les pensées du capitaine Archer étaient à des années-lumière de là, tournées vers son ingénieur en chef et son chef de l'armement, comme d'ailleurs celles de tous les autres, savait-il, excepté probablement pour l'Enseigne Mayweather. Ce dernier était un Boomer, sa famille vivait dans l'espace, dans un cargo. Lui, plus que quiconque, devait être inquiet pour l'équipage du Tasman.
Une pensée traversa l'esprit d'Archer. "Travis, vous connaissez le Tasman?"
Mayweather tourna la tête, affichant une expression particulièrement inquiète qui alarma immédiatement Archer.
"Je le connais, oui, Monsieur. Nous ne l'avons jamais rencontré, mais je me rappelle que mon père avait parlé de lui."
"Quelque chose que je devrais savoir?" demanda Archer.
Mayweather remua, mal à l'aise. "Juste des rumeurs, Monsieur. Il aurait parfois transporté des cargaisons dont il valait mieux ne pas connaître l'origine."
"Contrebande?"
"C'est ce que cela impliquait. Mon père a toujours dit que nous ne devions pas conclure cela trop vite, ne pas les condamner sans pouvoir vérifier les faits. Mais son avis a toujours été des plus clairs."
Archer tourna la tête vers l'Enseigne Sato. "Hoshi, voyez ce que vous pouvez découvrir au sujet du Tasman. Soyez discrète. Les relations entre Starfleet et l'autorité de transport de la Terre ne sont pas au mieux, nous ne voulons pas provoquer un incident."
"Oui, Monsieur." Sato se lança dans ses dossiers, rapports de transmission, diverses données de différentes sources, conversations.
Ils avaient été les seules à portée du système de Pa'lara, ce n'était pas un détour important et il n'y avait peut-être rien à imaginer dans cette situation d'urgence, mais Archer ne pouvait pas s'empêcher de soupçonner que cet appel de détresse était arrivé trop précisément sur leur chemin pour être une coïncidence.
Quand l'Enterprise entra finalement en orbite autour de la géante gazeuse de Pa'lara, Archer commença à penser qu'il se montrait peut-être encore plus paranoïaque que son chef de l'armement. L'ECS - ou VCT pour Vaisseau Cargo Terrien - Tasman était visiblement en difficulté. Ses moteurs étaient en panne, il était à la dérive et en danger dans l'atmosphère externe de la géante, tiré de plus en plus profondément à chaque minute par le puits de pesanteur de la planète.
Le cargo était un vieux modèle, capable de distorsion deux tout au plus, estima Archer. Il avait l'air archaïque et délabré, particulièrement face à la forme lisse et élancée de l'Enterprise... Quoique la comparaison soit fausse, naturellement. Les lignes aérodynamiques ne servaient à rien dans l'espace.
Archer fut interrompu dans ses rêveries par l'Enseigne Tanner, qui remplaçait Reed à la console tactique. "Ils ont un armement impressionnant pour un cargo, notamment un canon de phase. Pas aussi puissant que le nôtre, pas de quoi nous inquiéter, mais quand même..."
"Mais quand même", répéta Archer, inquiet. "Travis, est-ce habituel?" Quand ils avaient rencontré le vaisseau de la famille de Mayweather, l'Horizon, le vaisseau n'avait qu'un minimum d'armement, tout juste nécessaire pour détruire les potentiels obstacles sur leur chemin.
Mayweather secoua la tête. "De plus en plus de vaisseaux Boomers sont armés de nos jours, particulièrement après les Xindis et les événements Romuliens. Mais un canon de phase, c'est cher. Paul a amélioré la puissance de feu de l'Horizon, mais rien de la sorte. Il faut des années de profits de commerce avant d'espérer pouvoir acheter un canon de phase."
"Alors j'imagine que les affaires sont bonnes pour le Tasman. Légales ou non."
"Pas selon la base de données de l'ECS, Monsieur", le contredit Sato. Archer et Mayweather se retournèrent tous les deux vers elle. Elle s'expliqua. "Je n'ai pas pu découvrir autre chose que des données publiques, et les rapports commerciaux du vaisseau ne sortent pas de l'ordinaire, mais j'ai trouvé beaucoup de dépenses au cours des deux dernières années. Il a été endommagé pendant une rencontre avec un navire Nausicaan, et il a encore subi d'autres dommages trois mois plus tard. Les rapports restent vagues quant à ce qui s'est exactement produit, mais l'installation du canon de phase est signalée sur le manifeste lors du deuxième arrêt pour réparations. Et, Monsieur, la facture pour le canon n'a pas été payée par le capitaine du Tasman. Elle a été prise en charge par les industries Hatham."
"Quoi?" Archer se leva et traversa la passerelle pour lire lui-même l'information sur l'écran d'Hoshi. "Vous êtes sûre de ça?" demanda-t-il, bien que l'évidence était devant ses yeux. "Tout ça sent le piège."
Mayweather et Sato échangèrent un regard inquiet. Tous ne savaient que trop ce qui signifiait ce nom.
La dernière fois qu'ils avaient eu à faire aux industries Hatham, ces derniers s'enfuyaient à bord d'un Oiseau de Proie Klingon, suite à une fuite de Starfleet, selon les dires d'Harris. Archer commençait à penser qu'Harris, une nouvelle fois, ne leur avait pas dit tout ce qu'il savait.
Mais les spéculations devraient attendre. Ils pourraient probablement obtenir ces informations de la part du capitaine du Tasman, un homme appelé Hendry. En attendant, la première priorité était de sauver le vaisseau en détresse.
 
****
 
Tucker se débattait désespérément, essayant de se raccrocher à quelque chose pendant que la nacelle était de nouveau fortement secouée par l'onde de choc d'une autre explosion. Il voyait Reed, couché sur le plancher entre son siège et la console du pilote, qui essayait maladroitement de se remettre sur ses pieds. Tirant profit des mouvements de l'appareil, Tucker se laissa rouler jusqu'à l'avant et s'accrocha solidement à l'un des deux sièges pour ne plus être brinquebalé. Il se permit un rapide regard à son compagnon, notant le sang sur son visage, avant de se concentrer sur le tableau de bord.
"Mais qu'est-ce qui se passe, bon sang?" hurla Tucker.
"Quelqu'un est en train de nous tirer dessus." Reed, qui était parvenu à se relever, vint se pencher sur la console tactique. "Dois-je armer nos armes?" Il regarda Tucker tout en essuyant le sang qui coulait le long de son oeil du revers de la manche, attendant la décision du commandant.
"Essayons d'abord de savoir qui est là."
"Il n'y a rien sur les scanners." Reed se cala dans son fauteuil. "Pouvez-vous faire un état des dommages?"
Tucker commença par se diriger vers l'arrière de la petite embarcation, mais fut arrêté dans son élan par le "Sacrebleu" choqué de Reed. Il se retourna juste à temps pour découvrir un petit, mais menaçant, vaisseau militaire sortir de distorsion juste devant la nacelle.
"D'où diable ce navire vent-il?" questionna Tucker.
"Les radiations doivent avoir affecté les scanners à longue portée." Les mains de Reed volèrent au-dessus des commandes tandis qu'il scannait le navire. "Canons de phase, torpilles à photon, trois formes de vie... Commandant, ce sont des Klingons!"
"Quoi? Vous êtes sûr? Mais qu'est-ce qu'ils font ici, et pourquoi nous attaquent-ils?"
"Ils n'attaquent pas", répondit laconiquement Reed. "S'ils nous avaient attaqués, nous serions morts à présent."
"Pas une attaque?" répéta Tucker, incrédule.
"Ce n'était qu'un tir de semonce. L'équivalent Klingon d'un avertissement, en quelque sorte."
"Je croyais que les Klingons ne faisaient pas d'avertissement."
"Soyons heureux que celui-ci en fasse", répondit Reed ironiquement.
"S'ils ne veulent pas nous tuer, qu'est-ce qu'ils veulent?"
Comme pour répondre à la question de Tucker, une voix retentit par la console de communication. "Vaisseau terrien, pourquoi êtes-vous ici? Notre accord était clair, pas de Starfleet."
Tucker et Reed échangèrent un regard abasourdi.
"Vous pensez ce que je pense?" demanda Tucker, étendant la main jusqu'aux commandes de communication, prêt à donner leur réponse.
"Ils sont ici pour rencontrer Mostyn", confirma Reed. "Harris l'avait envoyé pour cela."
"Lui, et nous aussi."
"Alors que faisons-nous? Nous ne pouvons pas les combattre."
"Les Klingons sont dans la même situation que nous, Malcolm." Reed secoua la tête pour exprimer son désaccord, mais Tucker continua. "Pensez-y. Ils comptent rencontrer Mostyn, comme nous. Et, comme nous, ils sont venus au rendez-vous pour se trouver non pas devant Mostyn, mais devant un autre vaisseau, et pas tellement amical envers eux."
"Nous ne sommes pas au lieu de rendez-vous", objecta Reed.
"Près nous en sommes sacrément proches, et vous pouvez parier que les Klingons auront scanné le secteur entier. Nous sommes le seul vaisseau qu'ils ont trouvé..."
"Alors ils sont venus pour nous dire bonjour", finit Reed sèchement.
"Humains", hurla à nouveau le Klingon. "Vous n'avez pas respecté votre parole. Nous allons vous arraisonner et prendre ce pour quoi nous sommes venus."
Tucker appuya sur le bouton de communication. "Attendez juste une minute", cria-t-il. Reed roula des yeux à ces paroles, mais Tucker l'ignora et continua. "Ici le Commandant Tucker du vaisseau Enterprise. J'imagine que vous êtes ici pour rencontrer quelqu'un au sujet de plans. Nous aussi. Visiblement, le type que nous sommes censés rencontrer n'est pas ici."
"Vos excuses minables sont sans intérêt pour nous", l'interrompit le Klingon.
"Ce n'est pas une excuse, c'est une explication", reprit Tucker, exaspéré. "Je ne sais pas pour vous, mais je n'ai aucune confiance en la personne qui s'est chargée de nous fixer rendez-vous. Je crois que nous avons été bernés, et je pense que vous l'avez aussi été."
Tucker et Reed se regardèrent nerveusement dans le silence qui s'en suivit, avant qu'une lumière clignotante sur le tableau de bord capte l'attention de Reed.
"Ils activent un téléporteur", dit-il précipitamment, une fraction de seconde avant qu'ils sentent tous les deux la familière sensation de la dématérialisation de leurs corps.
 
*****
 
En fin de compte, le sauvetage du cargo se révéla relativement simple. La protection de coque de l'Enterprise leur permit de pénétrer sans risque dans les couches supérieures de l'atmosphère de la géante gazeuse. Une fois à portée du cargo, l'habileté de l'Enseigne Tanner au grappin assura la remontée du Tasman jusqu'à une altitude de sûreté.
Archer était heureux de pouvoir se libérer pour aller vérifier comment allaient Tucker et Reed, mais il devait d'abord parler avec le Capitaine Hendry. Il offrit l'aide du Commandant Kelby et de deux ingénieurs pour les réparations des moteurs du Tasman. Hendry sembla accepter à contrecoeur, mais ce n'était après tout peut-être qu'une preuve de la circonspection habituelle des Boomers envers Starfleet. L'homme sembla assez heureux de se joindre à Archer sur l'Enterprise pour prendre un verre, apportant même une bouteille de liqueur d'Orion avec lui.
Archer sortit deux verres d'une étagère au-dessus de son bureau et observa le Boomer pendant qu'il y versait précieusement le liquide gris et visqueux. Archer et Hendry levèrent leurs verres pour un toast. "A Starfleet, puissiez-vous toujours l'avoir sous la main quand vous avez besoin d'eux", dit le Boomer.
"Et hors de votre chemin lorsque vous n'en voulez pas?" se permit Archer avant d'avaler une gorgée de sa boisson et de cligner légèrement des yeux à la brûlure du liquide dans son oesophage.
Hendry se força à sourire, mais ne répondit rien.
"Comment êtes-vous parvenus à vous faire piéger comme ça?" demanda Archer. "Il n'y a pas grand chose qui puisse intéresser un navire cargo dans les parages, j'ai l'impression."
"Vous seriez étonnés de ce qui m'intéresse."
"Essayez toujours."
"Je ne pense pas, Capitaine." Hendry vida son verre et se leva, visiblement désireux de repartir. "Je vous suis reconnaissant de votre aide, mais je pense que nous pourrons continuer seuls, maintenant."
"Je suis disposé à rester pour vous assister jusqu'à ce que vos réparations soient achevées", insista Archer. "Mes ingénieurs seront heureux de vérifier vos moteurs, ainsi que votre canon de phase."
"Mon canon de phase n'a pas besoin de vérification, merci. Et si c'est la seule manière que vous avez trouvée pour me demander pourquoi j'en ai un, la réponse est simple. Il est là pour protéger mon vaisseau contre la racaille que Starfleet nous a apportée ici récemment avec ses idées d'alliance. Les navires commerçants étaient toujours les bienvenues jusqu'à il y a peu, mais avec tous les ennemis que vos vaisseaux comme l'Enterprise se sont faits et nous ont apporté... Les règles ont changé."
Archer durcit le ton de sa voix. "Je suis plutôt intéressé par la façon dont vous l'avez obtenu. Un canon de phase est un équipement plutôt cher pour un cargo Boomer."
"Ce ne sont pas vos affaires", claqua fermement Hendry en se dirigeant vers la porte. "Je dois partir, Capitaine. Je suis sûr que vous avec quelque chose à faire ailleurs. Gardez l'alcool."
Son comportement donna à Archer l'envie de le rattraper pour lui dire deux mots. Visiblement, Hendry en savait plus que ce qu'il laissait entendre, mais l'homme avait raison, même si Archer avait eu l'autorité suffisante pour inspecter le cargo, ce qu'il n'avait pas, l'Enterprise était demandé en urgence ailleurs. Concédant cette petite victoire au Boomer, Archer laissa l'homme sortir de son bureau et signala aux membres de l'escorte de sécurité qu'ils pouvaient le remmener jusqu'à son vaisseau.
Une fois sur la passerelle, Archer donna ses ordres. "T'Pol, ramenez nos gens à bord immédiatement. Monsieur Mayweather, programmez une trajectoire. Dès que le Tasman sera désarrimé, distorsion cinq."
 
***
 
Reed trébucha en se rematérialisant à bord du vaisseau Klingon. Tucker le saisit par le coude pour le retenir.
"Vous allez bien?"
"Je vais très bien, je suis juste surpris", répondit Reed en se massant légèrement la blessure sur sa tempe.
Avant que Tucker puisse continuer, un grondement sauvage capta leur attention. Ils se tournèrent vers la source du bruit et furent effrayés de découvrir une créature qui ressemblait à un sanglier poilu et hirsute, qui tentait de se précipiter sur eux à l'extrémité d'une laisse, des traînées de salive dégoulinant de mâchoires aux dents impressionnantes. Ce qui pouvait ressembler à un rire leur fit tourner la tête vers le Klingon qui tenait l'autre extrémité de la laisse.
Le Klingon, visiblement beaucoup plus vieux que tous les dirigeants de Starfleet qu'ils avaient jamais vus, affichait cependant un air grave, alarmant. Ses cheveux et sa barbe, bien que gris, étaient fournis et longs, et l'armure en cuir fortement cuirassée qu'il portait renforçait encore son physique déjà impressionnant.
"Buveur de sang!" dit le Klingon en tirant d'un coup sec du poing la laisse de l'animal.
Tucker resta livide un moment, jusqu'à ce que le Klingon continue. "Allez, buveur de sang, calme. Joli nom, hein? J'ai eu un chien qui s'appelait Fang quand j'étais enfant", continua-t-il. "Mais il n'avait pas autant de dents."
Le Klingon rit, montrant sa propre dentition effrayante. "Vous êtes le Commandant Tucker. Et vous", fit-il en tournant la tête vers Reed, "vous n'êtes pas Mostyn."
"Voici le Lieutenant Reed, le chef de la sécurité de l'Enterprise", répondit Tucker, décidant qu'il ne valait mieux rien dissimuler à son hôte impressionnant.
Le Klingon porta un regard de dépréciation sur Reed, puis se tourna vers deux autres Kingons pour leur dire quelque chose qui les fit rire tous trois. Leur traducteur universel ne réussit pas à comprendre le commentaire, mais son sens était clair. Les Klingons n'étaient absolument pas impressionnés par le garde du corps de Tucker. Ce dernier adressa à Reed un geste d'excuse, espérant tromper leurs hôtes quant à l'erreur d'évaluation qu'ils étaient en train de faire.
"Et vous êtes?" demanda-t-il en captant à nouveau l'attention du Klingon.
"Amiral de flotte Krell."
Tucker marqua un temps d'arrêt. Il ne s'était pas attendu à ce que leur hôte soit d'un rang si élevé. "Attendez une minute", dit-il. "Votre nom... J'ai déjà entendu votre nom avant."
"Quand le docteur Phlox a été enlevé par les Klingons", précisa Reed. "Peut-être vous souvenez-vous. L'Amiral de flotte Krell était en orbite, prêt à faire sauter la colonie de Qu'Vat."
"Exact", fit Tucker. Il se souvenait en particulier d'Archer qui avait servi de cobaye pour le vaccin de Phlox dans cette mission. Le docteur avait été forcé de travailler sur la mise au point d'un traitement contre une peste, et Archer avait servi d'hôte pour la création d'un traitement contre ce virus métagénique Klingon. Tucker se souvenait également que Krell avait été prêt à faire sauter la colonie entière simplement parce que le personnel du département de recherche génétique avait été infecté. L'Amiral Klingon n'avait pas été heureux de se faire forcer la main par Phlox, ce dernier avait téléporté un échantillon de la peste, puis avait offert d'échanger le traitement contre l'abandon de la menace du Klingon de tout détruire. Krell avait cédé.
"J'ai déjà eu à faire avec des Humains par le passé", reprit Krell avec un contrôle de soi que Tucker avait du mal à imaginer chez un Klingon. "Je les trouve indignes de ma confiance. Pourquoi seriez-vous différents?"
"Puis-je vous demander avec quels Humains vous avez été en contact?" demanda Reed. "A part nous, naturellement."
"Et en plus, vous permettez à votre subordonné de parler pour vous?" ricana Krell à l'intention de Tucker. "Vous n'avez aucun honneur."
Tucker soupira. "Dans ce cas, je vous repose aussi la question. Avec quels Humains avez-vous été en contact?"
Krell s'abstint de répondre et se contenta de laisser du mou à son animal de compagnie qui en profita pour se précipiter vers les deux Humains. Mais ni l'un ni l'autre ne recula.
Tucker continua. "Cet homme ne serait pas un dénommé Harris, par hasard?"
Le changement d'expression sur le visage de Krell montra qu'il avait marqué un point, et Tucker en ressentit une petite montée de triomphe.
"Parce qu'Harris est la raison pour laquelle nous sommes ici", ajouta-t-il. "Et j'imagine que c'est lui qui vous a fixé le même rendez-vous qu'à nous, en espérant probablement que nous nous entreturions."
L'un des deux autres Klingons s'esclaffa. "Votre navire est un microbe", déclara-t-il. "Vous ne pouvez pas nous détruire."
"Je pourrais vous détruire d'un coup", ajouta Krell en claquant des doigts. "Puis je laisserais mon targ se régaler de vos entrailles."
"Charmant. Et qu'est-ce que cela vous apporterait?" Se rappelant ce que le capitaine Archer avait appris sur l'art et la manière de manipuler un Klingon, lorsqu'ils avaient sauvé la Klingonne Bu'kaH alors que Reed, Sato et T'Pol s'étaient fait emprisonnés sur son vaisseau en perdition dans la géante gazeuse, quatre ans plus tôt, Tucker décida d'opter pour une négociation plus agressive. "Vous nous tuez et vous ne ferez que ce que veut Harris, faire le sale travail à sa place, et donner aux Humains une autre raison de détester encore plus les Klingons. Est-ce que c'est ce que vous voulez? Laisser un misérable Humain vous manoeuvrer aussi facilement?"
Krell gronda en leur montrant les dents. Le targ et les deux autres Klingons s'agitèrent, énervés. Tucker retint son souffle. Il se rendit compte que Reed préparait ses points d'appui et son équilibre à côté de lui, prêt à se lancer dans un possible combat, et espéra que les Klingons s'en apercevaient également, toutefois en vain, puisque Krell fusilla l'officier de la sécurité d'un regard menaçant. "Restez immobile, petit guerrier. Mon buveur de sang déchirerait votre gorge avant même que vous puissiez esquisser un premier mouvement d'attaque."
L'atmosphère était tendue et dangereuse. L'agressivité n'avait peut-être pas été une si bonne idée que cela. Tucker essaya désespérément de trouver une solution pour désamorcer cette crise, alors que Reed fixait en retour Krell d'un regard mauvais.
Soudain, Krell rejeta sa tête en arrière et hurla de rire.
"Je vous aime bien, Starfleet", fit-il en assénant à Tucker une tape sur l'épaule assez forte pour lui démettre le bras. "Vous avez des tripes!"
"Bon plan, non?" lança Tucker en se massant le bras pour vérifier qu'il n'avait rien de cassé.
"Bon plan", répondit Krell. Il attacha la laisse du targ à un crochet de son fauteuil de commandement et saisit un grand flacon sur une étagère. "Buvons le vin de sang, et dites-moi ce que vous savez de cet Humain, Harris."
"A une condition, que vous nous disiez ce que vous savez de cette affaire?" répondit Tucker.
Krell se contenta de rire bruyamment et engloutit une longue rasade au goulot de son flacon.
 
*****
 
"Aucun signe d'eux?"
Archer se força à rester assis. Arpenter la passerelle de long en large l'aiderait peut-être à évacuer une partie de la tension qu'il ressentait, mais elle ne ferait qu'entraver l'atmosphère de travail et l'efficacité de ses officiers.
"Rien dans les environs immédiats, Monsieur", répondit Mayweather, saisissant une dernière série de commandes pour stopper l'Enterprise à la position exacte où ils avaient laissé Tucker et Reed .
Il était dix-sept heures trente. Leur détour par Pa'lara leur avait pris plus de dix heures. Le rendez-vous avait été fixé pour trois heures plus tôt. Si tout était allé bien, la nacelle aurait déjà dû se trouver sur les lieux.
"T'Pol?"
La Vulcaine se pencha sur son scanner téléscopique, une main sur les commandes pour rechercher le secteur où la nacelle devait avoir rencontré Mostyn.
"Je détecte la nacelle, capitaine. Elle n'est plus qu'à quelques minutes du point de rendez-vous." Sa voix était d'un calme olympien qui ne laissait rien pressentir de la bombe qu'elle était sur le point de laisser tomber. "Je détecte un autre navire avec la nacelle. C'est un Klingon."
Archer sauta sur ses pieds. "Trip et Malcolm?"
"Je ne lis aucun signe vital dans la nacelle."
L'équipage de la passerelle sembla retenir son souffle, tendu.
"Monsieur Tanner, passez en alerte tactique", commanda Archer. "Travis, emmenez-nous à la position de la nacelle, distorsion cinq. Hoshi, voyez si vous pouvez capter un signal quelconque."
Les deux officiers firent "oui, Monsieur" en choeur pendant qu'il se réinstallait dans son fauteuil de commandement, se pinçant le bout du nez entre le pouce et l'index. Ils vont bien, voulut-il se convaincre.
Ils étaient encore à quinze minutes de leur but. T'Pol confirma qu'il n'y avait pas de signes vitaux dans la nacelle et que le navire Klingon était petit et ne semblait pas être un vaisseau de guerre. Toutefois, elle n'arrivait pas encore à en scanner l'intérieur.
Archer savait que les Klingons avaient connaissance de l'approche de l'Enterprise, et leur manque total de réaction l'inquiétait. Cela sous-entendait l'assurance d'une supériorité qui, bien que commune chez les Klingons, restait imprudente à la lumière des tailles respectives et des puissances de feu des différents navires. Il se concentra sur sa tentative de rester calme.
"Je reçois une transmission, Monsieur." Soudain, toute l'attention de la passerelle se porta sur l'Enseigne Sato. Lorsqu'elle afficha un large sourire, Archer sentit le poids qu'il avait sur l'estomac disparaître d'un coup. "C'est le Commandant Tucker."
"Passez-le moi, Hoshi", fit Archer en lui rendant son sourire.
Il ressentit cependant à nouveau un léger malaise quand Tucker apparut sur l'écran flanqué de deux Klingons bien plus massifs et grands que l'ingénieur.
"Trip?" Il voulait savoir le plus vite possible si son officier avait des ennuis ou non, bien qu'il soit partiellement rassuré par l'allure détendue de Trip et l'apparition de Reed, apparemment aussi à l'aise que son supérieur.
"Capitaine, c'est bon de vous revoir." Il était visiblement sincère et son sourire évapora les derniers doutes d'Archer quant à la sécurité de la situation. "Je vous présente l'Amiral Krell de la flotte impériale Klingonne." Tucker indiqua le Klingon sur sa droite. "Amiral de flotte, je vous présente le Capitaine Jonathan Archer du vaisseau Enterprise. Je ne sais pas si vous vous souvenez l'un de l'autre."
 
***
 
Les Klingons étaient repartis. Archer était épuisé de sa dernière conversation avec Krell par écran interposé. Il avait été tacitement convenu qu'une visite du vaisseau de l'autre serait incongrue.
L'amiral avait refusé d'entrer dans les détails, mais il avait quand même confirmé que ses précédentes relations avec Harris étaient liées au kidnapping de Phlox un an plus tôt. Cela n'avait pas étonné Archer, étant donné que c'était Harris qui avait entraîné l'Enterprise dans cette mésaventure. Il lui avait fallu toute son expérience diplomatique pour masquer sa fureur et maintenir leur discussion à un niveau amical, mais cela s'était révélé payant quand Krell lui avait avoué qu'Harris l'avait contacté cinq jours auparavant pour proposer de lui vendre les plans d'un moteur expérimental de distorsion.
Il était tard et Archer aspirait à passer une soirée tranquille devant un match de waterpolo en compagnie de son chien et d'une bière, mais il devait d'abord parler à Tucker et Reed de leur expérience. Il entra dans l'infirmerie au moment où Reed était assis au bord d'un lit diagnostic, la tête penchée vers Phlox qui traitait sa blessure. Tucker était debout à côté, en compagnie de T'Pol.
"Comment vont ils, docteur?" demanda-t-il en parcourant les derniers mètres qui le séparaient d'eux.
"Quelques contusions et des coupures sans gravité, rien de sérieux." Phlox arrêta l'instrument qu'il tenait à la main et le reposa. "Voilà, lieutenant. Vous ne devriez pas avoir de problème, mais il fallait que je m'en assure. Surtout, au moindre signe de vertige, nausée, vision trouble, j'exige que vous reveniez à l'infirmerie immédiatement, d'accord? Je sais que vous êtes réticent à cette idée, mais je ne veux pas de discussion."
"Compris, docteur." Reed sauta au bas du lit et se tourna vers Archer. "Monsieur."
"Malcolm, Trip", commença Archer, "je suis heureux que vous soyez tous les deux revenus en un seul morceau."
"On est content d'en être revenus, Captaine", répondit Tucker. "Un Klingon amical ne lésine pas sur l'hospitalité, mais il sert plus de vin de sang qu'un homme ne peut en absorber."
Les Humains et Phlox rirent de la boutade. Puis Archer redevint sérieux et leur rapporta les résultats de son entretien avec Krell.
"Toute cette mission commence à ressembler à une vaste mascarade", dit-il. "Mais je ne comprends pas ce qu'Harris espérait obtenir."
"Le Commandant Tucker et moi avons eu de la chance de nous en tirer vivants", dit Reed. "Un autre Klingon aurait pu ne pas être aussi disposé à écouter notre histoire."
"Je suis quand même déçu de n'avoir pas vu ces plans", dit Tucker. "Et bien quoi, c'est vrai", protesta-t-il sur la défensive devant les regards furieux que les autres posèrent sur lui.
"Commandant, selon toute probabilité, ces plans n'ont jamais existé", lui expliqua patiemment Reed. "Ils n'étaient que la carotte dans le piège d'Harris. Le seul mystère qui soit est la nature de sa vraie cible." Il émit un léger soupir et secoua la tête pendant que Tucker le fixait. "Et si vous essayez de proposer que c'était la seule manière qu'ait trouvé Harris pour se débarrasser de moi, je ne vous croirai pas. Il y a des manières beaucoup plus faciles et moins risquées de le faire. Il doit y avoir autre chose derrière cela."
"Je suis d'accord. Je suis sûr que même si Harris vous trouve très ennuyeux", dit Archer avec un sourire à Reed, "il faudrait être trop paranoïaque pour y croire... Quoiqu'après ce que Krell m'a raconté, je me demande si c'est bien après lui qu'Harris en avait."
"J'ai comme l'impression que l'Enterprise s'est fait mené en bateau", dit Tucker.
"Probablement." Ils se tournèrent vers T'Pol, restée silencieuse jusqu'à présent. "J'ai étudié nos données du sauvetage du Tasman et la conclusion logique est qu'ils n'étaient en fait pas en danger lorsqu'ils ont transmis leur appel de détresse."
"Qu'est ce que vous voulez dire?" demanda Tucker.
"Avant que l'Enterprise arrive sur place, ils étaient soit-disant piégés depuis presque six heures, si on inclue le temps qu'ils ont passé à essayer de se dégager avant de réclamer de l'aide. Et pourtant, ils n'étaient qu'à trois cents vingt six kilomètres à l'intérieur de l'atmosphère. Un vaisseau de cette taille, avec ses moteurs hors service, n'aurait pas pu résister à la gravitation aussi longtemps. Ils auraient dû se trouver beaucoup plus profond, voire même assez pour être écrasés", expliqua-t-elle.
"Vous suggérez que le capitaine Hendry est délibérément entré dans l'atmosphère de la géante, et seulement une fois qu'il a été certain que l'Enterprise était bien en route?" demanda Archer.
"C'est l'explication logique", lui accorda T'Pol.
Ce fut Reed qui brisa le lourd silence qui suivit cette découverte.
"Avez-vous parlé de cela à Harris, Monsieur?"
"J'ai essayé de le contacter", dit Archer tristement. "La connexion que nous avons employée jusqu'à maintenant ne débouche que dans un obscur bureau au quartier général de Starfleet. Ils nient connaître notre homme, et j'obtiens la même chose où que je me m'adresse."
"Harris aurait disparu?" dit Reed, visiblement étonné.
"On dirait bien", répondit Archer. "Cela s'est-il déjà produit auparavant?" Reed fit non de la tête. "Alors espérons que tout ceci signifie que nous n'entendrons plus parler de lui. Malcolm?" Reed semblait peu convaincu.
"Il n'y a pas qu'Harris dans l'organisation, Monsieur."
"Mais il a toujours été votre seul contact, non?"
Reed hocha la tête, mais semblait toujours inquiet.
Archer haussa les épaules brièvement. "Je ne sais pas grand chose des missions sous couverture, mais il est possible qu'Harris ait été la seule connexion entre vous, et donc l'Enterprise, et l'organisation. Qu'en pensez-vous?"
"C'est possible, Monsieur", admit Reed. "Mais je ne parierais pas là-dessus."
 
***
 
Le bureau de San Francisco semblait différent de jour. Un rayon de soleil du matin formait une bande lumineuse en travers du tapis, accentuant le côté luxueux de sa coupe. Les deux mêmes hommes étaient là. Le supérieur hiérarchique se tenait devant la fenêtre, regardant dehors dans la direction du quartier général de Starfleet, alors que l'autre homme était installé dans le fauteuil derrière le bureau.
L'homme debout s'exprima sans détour. "Si j'accepte votre proposition, cette obsession de l'Enterprise doit cesser. C'est une condition non négociable."
"En tant que chef opérationnel de l'organisation, vous serez en mesure d'y veiller."
"Jusqu'à ce que vous décidiez qu'il est temps de me donner assez de corde pour me pendre à mon tour."
L'homme assis sourit froidement au commentaire sec, mais ne répondit rien.
L'homme à la fenêtre prit une large inspiration et remonta les épaules, comme s'il était parvenu à une décision, avant de tourner le dos à la fenêtre.
"Alors d'accord, j'accepte", fit-il. "Mais je pensais ce que j'ai dit au sujet de l'Enterprise. J'ai des amis sur ce vaisseau, je ne veux pas qu'ils soient mis en danger."
"Je sais, amiral. Je sais."
Fin.
 
   
 
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